Jérusalaime S.

S., tu as montré le bout de ton nez le 4 décembre à 3h41 du matin. Quand, après 20h d'attente et d'énergie déployée, on est enfin remontés dans la chambre, un rayon de soleil est sorti pour t'accueillir : en cette saison, à "Paris parapluie", c'est suffisamment notable pour être mis en avant. Depuis le début, côté israélien, on nous avait annoncé le 3 décembre comme date de terme, alors qu'en France la date du 11 décembre était inscrite partout. C'est en effet le 3 que tu as décidé qu'il était temps de venir voir ce qui se passait là dehors, il t'a donc fallu 20h pour finalement trouver la sortie mais ça, c'est parce que, comme l'avait annoncé Grand-maman, ton arrière-arrière grand-mère, pour ma propre naissance, tu serais une fille, "elles prennent plus de temps car elles se pomponnent avant de sortir". J'ai glissé cet indice à ton papa pendant notre longue attente en salle d'accouchement, je ne l'ai pas convaincu. Il faut dire que le gynécologue israélien, qui a donc gagné le pari de la date, avait une fâcheuse tendance à insinuer que tu étais un garçon, alors qu'on ne voulait rien savoir, et avait fini par nous inciter à croire qu'on n'aurait pas de surprise le jour de l'accouchement. Et pourtant si ! Quand tu es sortie, je n'ai vu que ce long corps tout long qui criait très fort, derrière un long cordon tout blanc et je n'ai même pas pensé à regarder si tu étais une fille ou un garçon. C'est finalement l'infirmière puéricultrice qui nous a déclaré la nouvelle : tu es une fille !

La nuit de ton arrivée dans ta maison, tu as eu beaucoup de mal à te faire à ce nouvel environnement et tu as beaucoup pleuré.  En plein apprentissage, ton Papa et moi, on a essayé plein de choses : du peau à peau, écouter du Bob Marley parce qu'une sage-femme de la Maternité nous l'avait conseillé, réécouter Angèle parce que deux jours avant ta naissance, on était à son concert, chanter et te parler, beaucoup. Tu adores nous écouter te raconter des histoires. Alors, j'ai fini par m'asseoir dans le salon, sur un fauteuil de Tel Aviv, je t'ai expliqué pourquoi on t'avait donné ce prénom et tu t'es calmée...

Ton papa et moi, avant de rentrer à Paris, cet été, avec toi dans mon ventre, nous avons habité quatre ans à Jérusalem. Ton papa y était le correspondant du Moyen-Orient pour sa chaîne de télévision. Vivre là-bas nous a beaucoup enrichis, même si c'était parfois compliqué, on a beaucoup aimé cette expérience. Depuis notre grand appartement, aux trois terrasses, on avait une vue magique sur la Vieille Ville et son dôme du Rocher. Alors, pour que tu gardes un peu de cette ville Trois fois sainte où tu as été conçue, on a choisi de te donner le nom de cette source, au pied des remparts de Jérusalem et du Mont des Oliviers qui alimente la Vieille Ville et qui a donné plus largement son nom à la vallée de Silwan (en arabe), Siloah (en hébreu), - pour toi, on a choisi le nom français, (inspiré par une élève du Lycée Français de Jérusalem) -, qui s'étendait sous nos yeux quand on se levait le matin. C'est aussi dans une fontaine de cette source, que, selon le Nouveau Testament, Jésus aurait accompli un de ses miracles, en rendant la vue à un aveugle.

Voilà, c'était important pour nous que tu portes en toi un peu de toute cette parenthèse car tu en es notre plus beau souvenir, le plus personnalisé !, et sa plus belle conclusion pour ouvrir une nouvelle, longue et grande aventure à tes côtés.